LA GNOSE AU TEMPS DE SAINT IRENEE
1- Petite présentation
historique
La Gnose est née au premier siècle,
quelques années après l'Eglise. Saint Jean déjà
la dénonce au début de son Apocalypse.
"
A l'ange de l'Eglise de Pergame, écris
: (...) Ainsi, chez toi aussi, il en est qui tiennent la doctrine des
Nicolaïtes. Allons, reprends toi ! ..." (Ap
2, 15).
Elle se caractérise essentiellement comme un amalgame de
toutes les croyances, religions et philosophies connues dans le monde
romain au premier siècle.
Au cours du deuxième siècle, ses
adeptes se font de plus en plus nombreux et de plus en plus virulents,
de sorte que les évêques commencent à s'en inquiéter
de manière urgente. Irénée prend donc sa plume,
ou plutôt son stylet, et se met en mesure de contrer cette mouvance.
Sous les arguments de différents Pères
de l'Eglise, la gnose reflue et disparaît quasiment avec l'avènement
du Christianisme comme première religion de l'Empire... très
vite remplacée par l'arianisme au rang des principaux soucis
des pères.
Elle ressurgit sporadiquement au cours du moyen âge, on en trouve
des éléments notamment au sein du catharisme.
La gnose renaît au XIXème siècle,
avec la redécouverte des évangiles apocryphes, qui constituent
pour la plupart les textes de références des mouvements
gnostiques antiques.
On la retrouve cachée dans la mouvance "new-age"
de la seconde partie du XXème siècle, voire de manière
quasi ouverte dans certaines sectes modernes.
La publication de
l'évangile
de Judas, en 2006, est le dernier épisode en date de cette
longue remontée à la surface.
2- Contenu doctrinaire de la gnose.
La Gnose était, et est toujours, une mouvance qui regroupe
sous une même appellation divers groupes menés par un
maître particulier. On peut déduire de l'œuvre d'Irénée
les principaux points communs :
- le monde physique a été créé
par un esprit mauvais et ignorant qui se fait passer pour l'être
suprême.
- Il existe au-dessus de cet esprit créateur environ 30 dieux,
ou "éons", dont le créateur est issu accidentellement.
- Ces éons ont placé dans l'homme, à l'insu
du créateur, une graine de divinité, de sorte que l'homme
est supérieur en dignité au créateur.
- A son trépas, ce germe de divinité doit retrouver
le chemin vers le plérôme que forment les 30 éons.
- L'objet de la Gnose (en Grec : "connaissance") est de révéler
à ses fidèles le moyen de rejoindre le plérôme.
Le Christ est venu sur terre pour révéler cette connaissance
à certains initiés, et annoncer la divinité des
éons et la déchéance du créateur.
3- Les méthodes des
gnostiques
A en croire Irénée, certains maîtres
gnostiques ne s'embarrassaient pas de scrupules pour monnayer leur
"science" et vendre leurs révélations au plus offrant.
Que les jeunes femmes désargentées se rassurent : les
paiements en nature étaient souvent acceptés.
Même sans tomber dans ces excès criminels,
les gourous gnostiques pratiquaient de la manière suivante :
- appâter les chrétiens en se présentant
comme d'authentiques chrétiens;
- Leur laisser entendre qu'ils ont des révélations
inédites à leur faire sur la vraie foi;
- Les entraîner petit à petit, de "révélation"
en "révélation", jusqu'à ce que l'orgueil de
se croire supérieur au créateur les amarre définitivement
à la secte;
- Ceux qui quittent la secte ou qui la contredisent sont
considérés comme inférieurs, car incapables de
comprendre la "révélation".
4- La dénonciation de la Gnose
au nom menteur
Irénée met au point l'arme absolue contre la
Gnose vers 190. Son œuvre procède ainsi :
- Puisque les gnostiques procèdent par révélations
successives et progressives, Irénée dévoile d'un
bloc et de manière très détaillée toute
la "théologie" des différents mouvements gnostiques. C'est
le contenu du livre I.
- Après avoir ruiné la stratégie commerciale
de ses adversaires, Irénée s'adresse à la raison
commune pour faire éclater les incohérences et les absurdités
des doctrines gnostiques. Ce sont de remarquables morceaux de rhétorique
au livre II.
- Puisque les gnostiques s'appuient sur certains passages
issus de la Bible, Irénée restitue ces passages dans leur
contexte pour dénoncer l'interprétation qui en est faite.
Il les confronte également avec d'autres passages des saintes
écritures : livre III.
- La cohérence des écritures ayant été
attaquée par les gnostiques, Irénée rétablit
la cohérence de l'ancien et du nouveau testament et s'applique
à montrer que d'après la révélation biblique,
le Dieu de l'ancien testament et le Dieu annoncé par Jésus
ne font qu'un : Livre IV.
- Les gnostiques proclament que seul le 'germe de divinité'
présent en l'homme rejoindra le plérôme. Irénée
démontre que l'ensemble de l'homme, corps et âme, est
appelé au salut par la résurrection.
Voici donc resurgir un vieux texte gnostique. Mais
Irénée le connaissait déjà :
"
D'autres encore disent que Caïn était
issu de la puissance suprême et qu'Esaü, Coré, les
gens de Sodome et tous leurs pareils étaient de la même race
qu'elle : pour ce motif, bien qu'ils étaient en butte aux attaques
du Démiurge (= le créateur, NdLR), ils n'en n'ont subi
aucun dommage, car Sagesse (un des 70 éons, NdLR) s'emparait de
ce qui, en eux, lui appartenait en propre. Tout cela, disent-ils, Judas
le traître l'a exactement connu, et , parce qu'il a été
le seul entre les disciples à posséder la connaissance de la
vérité, il a accompli le "mystère" de la trahison :
c'est ainsi que, par son entremise, ont été détruites
toutes les choses terrestres et célestes. Ils exhibent, dans ce
sens, un écrit de leur fabrication, qu'ils appellent "évangile
de Judas"." (AH I, 31,1, p132-133). Je crois que cela se passe de commentaire.
Source : Irénée de Lyon, Contre les
Hérésies (AH), traduction d'Adelin Rousseau; Ed CERF
Nota
:
Les
Nicholaïtes suivent l'enseignement de Nicholas,
un des sept premiers diacres institués par les apôtres,
et qui aurait mal tourné. Ils vivent sans retenue, enseignant que
la fornication et le fait de manger des viandes immolées aux idoles
sont des choses indifférentes. (référence AH I,
26,2 - p117)
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